Capítulo treinta y uno : La petite étrangère

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03/03/2023
15 min de lecture

Je vais vous raconter aujourd’hui tout ce qui s’est passé avant et après la nuit de l’ayahuasca. C’était le week-end de Carnaval, là où l’année dernière j’étais partie faire la fête à la plage, cette année, changement complet de décor. J’en ai trop marre des Equatoriens parce qu’à chaque fois ils me disent qu’ils vont me faire découvrir plein de trucs, et au final on ne fait jamais rien. Et si c’est moi qui propose, ils annulent ou ils reportent à ma retraite. J’en ai marre aussi de Quito, c’est moche et on respire mal. Vous devez maintenant bien vous demander pourquoi je suis toujours ici…bon. Le reste du pays est beau, et c’était le bon moment pour explorer.

Comme je ne peux me fier qu’à moi-même et à Instagram, je suis tombée sur un voyage organisé pas cher en Amazonie, moins loin d’où j’étais allée mais qui semblait tout aussi mignon.

Départ samedi à 2h du matin. Je me retrouve dans une voiture avec trois autres personnes de Quito et le chauffeur, y’en a un qui m’appelle « Sarita » comme si on avait nourri des lamas ensemble. Je n’ai aucune idée si c’est le guide ou juste un gars mal élevé. On doit se rendre dans une ville à 3h d’ici pour rejoindre le reste du groupe qui vient de Guayaquil, la deuxième plus grande ville du pays. A 5h du matin, on est au point de rendez-vous, les autres doivent arriver dans 15 minutes, ils arriveront 2 heures après…après avoir fait un détour dont ils n’ont pas pensé nous avertir avant ! Cela commence tellement mal, que je me demande ce que je fous là. A 7h du mat, on est dans le bus avec tout le monde, et je savais que ce serait un voyage en grand groupe mais pas en très très grand groupe ! Je me retrouve assise au fond du bus à côté du vieux mal élevé qui m’expliquera être en voyage avec sa fille et son mari. Y’a que les Equatoriens pour voyager avec leurs darons ! Il me cassera les couilles tout le week-end (genre le gars qui te dit des conseils débiles alors que tu n’as rien demandé, qui écoute sa musique sans écouteurs et qui finit les phrases du guide…), mais bon, ça va. Tout le reste du groupe est composé de joyeux lurons âgés entre 20 et 30 ans, et je découvre que les Equatoriens de Guayaquil sont plutôt mignons !! Bonne première surprise du voyage !

Vers 10h, arrêt sur une aire d’autoroute, le guide nous incite à nous changer parce qu’on va bientôt arriver à la première visite : « los cuevas de los tayos ». Tout le monde se prépare comme si on allait faire Iron Men pendant que je m’imagine juste visiter la grotte de Lascaux. Ah oui, « cuevas » ça veut dire « grotte », « tayos » c’est un oiseau mais je n’ai pas trouvé de traduction, ça ne doit pas exister chez nous. Ça ressemble à un mix entre une chauve-souris et une chouette. Ouais…bien dégueulasse. Une fois de retour dans le bus et que tout le monde est bien réveillé, le guide Willy aux mollets musclés se présente et décrit rapidement le voyage. Il fait aussi un speech empathique où il raconte que jusqu’à présent, on est des inconnus les uns pour les autres mais dans quatre jours, on sera comme une grande famille de 47 personnes. Voilà, je vous avais dit que c’était un très très grand groupe. Il aurait pu s’arrêter là comme tout individu normal mais il a poursuivi sur sa lancée en disant : « et nous avons une étrangère avec nous, une femme qui voyage seule, donc n’hésitez pas à l’accueillir comme il se doit…comment tu t’appelles ? ». Moi dans ma tête : « chut, chut, je veux passer inaperçue ! tais-toi », et là 46 personnes qui se retournent pour voir qui je suis… Moi qui voulais être discrète, c’est loupé. Je passerai donc les quatre jours suivants à entendre « eres tu Sarah ? » (c’est toi Sarah ?), alors que je ne retiendrais que 10 prénoms. C’est bien de devenir populaire juste parce que tu es Française. Il est certes évident que je ne m’étais pas préparée psychologiquement à être la seule étrangère parmi une cinquantaine de jeunes inconnus autochtones, et c’est d’ailleurs bien la première fois que je fais ça. Si vous lisez mon article « un samedi en Palestine », vous découvrirez pourtant que ce n’est pas ma première fois d’être la mascotte d’un bus, mais en Palestine ça n’avait duré qu’une journée…

On arrive donc à l’endroit de notre première visite. Sous mon imperméable bleu, j’espère bien que personne ne me captera parce que tout le monde sait bien que Sarah ne parle à personne quand elle n’a dormi que trois heures. Ça y est, trente articles plus tard et la meuf parle d’elle à la troisième personne du singulier. Bref, après une heure de marche dans la forêt amazonienne, on arrive chez des gens, une communauté indigène qui nous accueille avec des papayes et un jus de je-ne-sais-quoi. Avant d’aller voir la grotte, on nous propose de sniffer du tabac. Attendez, je vous explique : avec les feuilles de tabac, ils extraient une espèce de « jus » qu’on doit inhaler pour nous donner de la force. Il faut donc basiquement faire rentrer ce jus dans son nez. On aime bien se droguer ce week-end dis donc. En vrai ça marche, on est tous au taquet. On forme des petits groupes et on commence l’aventure. Je pensais que ça serait juste une petite grotte de rien du tout mais c’est sûrement la grotte la plus impressionnante que j’ai vu dans ma vie. On est descendus à 12 mètres sous la terre, il fallait escalader, marcher à quatre pattes, sauter dans l’eau. On a vu une hallucinante cascade tout en bas, et on a aussi dû nager. C’est con que ce soit seulement toute mouillée que je comprenne pourquoi les gens s’étaient changés. A un moment, on reste accroupis dans la grotte coincés dans un trou parce que le groupe devant nous n’avance pas. On entend les « tayos » qui hurlent. Si on ne m’avait pas dit que c’était des oiseaux, j’aurais pensé que c’était des tigres volants. Très impressionnant ! C’est coincé dans la grotte que mes compagnons du groupe commencent à s’intéresser à moi. Ils sont trop choupis. Une heure et demie de grotte plus tard et nous voilà tous copains. On retourne dans le bus, trempés d’enthousiasme. Par contre, il est 18h et on n’a toujours pas mangé. On finit par s’arrêter sur une espèce d’aire d’autoroute sauf que y’a pas de route, et un bon repas nous attend, de même que des douches. Je pensais attendre d’arriver là où on va dormir pour me doucher, mais c’est encore à deux heures de route, et vous avez déjà fait du bus avec air conditionné en étant tout mouillé ? Pas question que je revienne avec une pneumonie, je fais donc comme tout le monde : prendre ma douche froide dans ce restaurant après 46 personnes. Qui suis-je devenue ?!

On arrive où on va dormir, dans une communauté indigène formé par le chaman, sa femme et leurs enfants. Sur le chemin, je parle avec deux jeunes cools qui sont eux aussi tout seuls. Ils me proposent de partager la chambre avec eux. Je me sens comme une fille en CP à qui on propose de jouer pendant la récré, oui oui oui ! Alors, je savais que ça serait vétuste mais pas à ce point quand même. On s’est retrouvés dans une cabane en bambou, sans porte, sans fenêtre, sans moustiquaire. On était 10 à dormir dedans, ambiance colonie avec lits superposés et matelas épais comme ma chaussette. Ah oui, y’avait pas d’électricité, la douche était dehors et les toilettes communes, exactement tout ce que j’aime et ce pourquoi je ne vais jamais en auberge de jeunesse. Mais bon, on s’amuse bien quand même. On se présente chacun à notre tour, je suis apparemment la plus vieille, les jeunes vont d’ailleurs passer quelques heures dehors mais moi j’ai trop besoin de dormir si je veux survivre au reste du séjour. Mamie va au lit.

Le lendemain, petit déjeuner assis par terre sur feuilles de palmier. Pas très copieux et surtout notre dernier repas avant 24 heures pour ceux qui font l’ayahuasca, mais on ne va pas se plaindre, j’ai payé pour ça après tout. Ensuite, on va voir d’autres grottes. On arrive d’abord en plein milieu de la forêt, je vais me cacher pour faire pipi pendant que les autres prennent une photo de groupe. Merde on m’appelle : « il manque la petite étrangère » j’entends. J’adore mon nouveau surnom : la petite étrangère, d’Alberto Camouille. Après, il faut se diviser en deux groupes, on voit direct la tendance entre le groupe des gens cools et le groupe des gens calmes. Mes copains de la cabane m’appellent dans le groupe des gens cools…yes, je suis une mamie cool ! Il y a aussi une influenceuse dans notre groupe, elle a genre 180 000 abonnés sur Insta, elle passe son temps à faire des milliers de vidéos inutiles. J’admire la patience du guide, ça me rappelle moi en France avec mes étudiants. Les grottes ne sont pas terribles, par rapport à celle d’hier, mais le chemin dans la forêt est absolument adorable et je parle à de nouveaux gens. Ils me font des blagues sur la France et étrangement je ne les trouve pas lourds dingues, ils sont tous absolument sympas. Je suis à deux doigts de déménager à Guayaquil. Après ça, on va manger, enfin certains mangent pendant que d’autres jeûnent. Je le vis assez bien jusqu’à ce qu’on me parle de nourriture française, comment je vais les convaincre que c’est la meilleure nourriture du monde alors qu’ils mangent que du riz ?!

L’après-midi on va dans une communauté indigène pour voir les traditions. On boit un truc chelou, ils nous mettent de la peinture sur la gueule, il faut danser, faire de la sarbacane, se mettre un boa autour du cou… ça me gêne un peu ce folklore, je ne sais pas trop vraiment expliquer pourquoi. Mais ce qui me fascine, c’est de voir ces Equatoriens tant enjoués à la découverte de toutes ces traditions. C’est quand même dingue de se dire qu’ils ont la même nationalité mais qu’ils ont une manière de vivre tant différente qu’ils sont obligés de payer et de partir en voyage pour voir ça. Je ne sais pas si c’est triste ou merveilleux. C’est comme si les Sudistes de France partaient en voyage authentique dans une famille alsacienne, pour apprendre à faire une tarte flambée, apprendre l’alsacien et boire tous les vins d’Alsace (BIG UP aux Alsaciens). Les Sudistes leur poseraient des questions étranges : « et un Alsacien peut-il se marier avec un Parisien ?? ». Bref, je m’éparpille.

Le guide voit que je ne suis pas au max dans ces activités et vient me parler. Je vais me marier avec lui, il est beaucoup trop adorable. Non, il a l’air d’aimer les filles sportives.

Après ça, on rentre à la casa et c’est l’heure du rituel d’ayahuasca. Je vous laisserai lire l’article précédent pour tout savoir.

Je suis dégoutée parce que le lendemain ils font des trucs cools mais je suis trop pas bien pour participer : ils font une balade en bateau, ils vont à une fabrique de chocolats et ils vont se baigner dans une cascade. Depuis quand on arrive à faire trois activités en une matinée ? On dirait que c’était moi qui retardais le groupe. Avec mes copains, on rejoint le groupe au déjeuner. Quand on arrive, tout le monde nous applaudit comme si on venait de ressusciter. C’est un peu l’idée en vrai. L’après-midi, on passe tout notre temps au Mirador de Inda-Shuris. Il n’y a pas grand-chose à faire à part se prendre en photos et se moquer des gens qui se prennent en photos. Mais ça fait du bien un peu de repos. Avec mes copines, après les photos, on va faire « la liane de la mort », c’est-à-dire se balancer au-dessus du vide. Moi, je croyais que j’avais peur du vide parce que je n’ai jamais pu aller en haut de la basilique de Quito. Bah, j’ai quand même réussi à le faire, en criant certes mais je ne sais pas d’où m’est venue cette folie…je me sens invincible. Après ça, on va dîner, et on rentre à pied sous le ciel étoilé avec mes copains préférés. On fait un jeu que je ne comprends pas, de toute façon ça fait trois jours que je ris à leurs blagues sans les comprendre, on n’est pas à ça près. N’empêche, je me sens trop heureuse avec eux.

Le soir, on passe la nuit à parler avec le chaman et sa femme. On discute et on pleure tous ensemble. C’est fort ! On finit à minuit, sauf qu’on doit se lever à 2h du matin. On n’a pas payé pour dormir apparemment. La plupart vont parler sans aller se coucher. Pour moi c’est impossible, toute heure de sommeil est bonne à prendre = mon credo. On prend le bus à trois heures du matin pour aller monter le volcan Intisana. On nous avait dit que c’était facile ! Mon futur mari s’est bien payé ma tronche !! Après un petit déjeuner éclair (non ce n’est pas vrai, rien n’est éclair avec nous), on s’embarque dans des camionnettes qui nous rapprochent le plus possible du sentier de marche. Puis l’enfer commence. J’avais cru comprendre qu’on marcherait sur du plat, à quel moment un volcan est plat ??? Le plus dur ce n’est pas la marche, c’est l’altitude. On passe de 3800 m à 4800 m. Si je parle, je perds mon souffle et donc je meurs. Ce n’est pas ça qu’on veut. Je commets l’erreur stupide de demander au guide si on arrive bientôt, il me dit dans trente minutes !!! Quoi ????? Je n’en peux plus, je m’arrête sur un caillou, je dis que je vais faire demi-tour. Ce stupide d’Alejandro me dit de ne pas abandonner parce que je ne vais jamais revenir ici et il rajoute que si tous les autres continuent, il n’y a pas de raison que moi j’arrête. Et si on arrêtait tous alors ?? Non mais ils sont chiants aussi ces Equatoriens à être tout le temps positifs et de bonne humeur ! Ils ne peuvent pas râler comme tout le monde ?? Même pour la douche froide, j’ai entendu zéro plainte, ils sont grave relous ! Bon, y’en a quand même qui ont fait demi-tour, mais comme mes copains ont tous continué et que je suis influençable, bin je les ai suivi. Incroyablement, je suis arrivée au bout. Y’avait un lac et du brouillard, on ne retiendra donc pas la vue. Y’a Diego qui va se baigner dans le lac à -8000 degrés. Ce gars, c’est le fou du groupe, c’est ton pote qui fait toujours toutes les conneries possibles et tu te demandes chaque jour comment il va rester en vie. Je me souviens de lui le matin de l’ayahuasca, il regardait ses mains comme s’il venait de naître. On ne regarde jamais assez ses mains.

Après ça, on a fait des photos, on est redescendus et on est retournés dans la camionnette. Il pleuvait, c’était horrible. Heureusement, mon pote Mario m’a mis du baume à l’âme en me chantant « ne me quitte pas », avec son petit accent c’était beaucoup trop chou. On était tous très heureux de retrouver le bus, et moi mon lit quelques heures plus tard. J’ai abandonné mes nouveaux amis pour rejoindre Quito, en me disant que j’avais rencontré sûrement plus de gens géniaux en quatre jours avec eux qu’en un an et demi à Quito. Quand je suis sortie du bus, Mario a crié « ne me quitte pas ! » dans un français approximatif très touchant !

Ainsi se termina ce merveilleux week-end fatigant et salissant. Comment j’aurais pu penser qu’un séjour en Amazonie, sans eau chaude, sans électricité, sans Internet, sans Netflix, sans sommeil, aurait pu à ce point m’émerveiller ? Est-ce que côtoyer de bonnes personnes serait la clé du bonheur ?

Je n’étais jamais seule, j’ai pris des drogues, je me suis balancée dans le vide, j’ai fait du sport extrême, j’étais sale tout le temps, je pissais dans la forêt… le prochain qui me dit de sortir de ma zone de confort, je lui fais passer une nuit dans la grotte des tigres volants !

Commentaires

Garry

Je lis tes aventures avec envie ! Tu me manques ma belle, je pense revenir en équateur en septembre je te fais pleins de bisous je t’aime fort

calientepatata

Ah trop bien !! Tu vas kiffer si tu reviens 🙂 te quiero tambien

Caliente😜Guignolo

Sarah, t’es une machine. Bravo pour le sommet du volcan 🌋 super Weekend Franchement déménagé chez tes nouveaux ami(e) s…! 😉 Bonne continuatiooooonnnnn!

calientepatata

Merci Caliente Guigui 🙂 plus jamais de volcan pour moi hahaha

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