Lundi 18 juillet. Après 4h47 de sommeil, je me rends en super forme là où les étudiants vont prendre des cours tous les matins, pour voir si aucun ne sèche le premier jour. Etonnamment, ils sont tous là, pas à l’heure mais bon, soyons indulgents, ils ont dû prendre le tram tous seuls dans un nouveau pays. Aujourd’hui, on est gentils. A 13h, comme il sera le cas pendant les 4 prochaines semaines, mon collègue et moi devons manger avec les mineurs dont on a la totale responsabilité. Chouette. Comme il est trop tôt pour manger une raclette, on leur demande ce qu’ils veulent manger : MacDonald. On part donc sur un choc culinaire totalement invraisemblable (il y a des MacDonalds à Quito) mais qui sommes-nous pour les contredire ? Leurs darons ont payé 6000 dollars pour qu’ils viennent bouffer des MacDo en France. Soit.
Apparemment, on tombe sur le MacDo des cas soc’ du coin parce que y’a deux femmes qui prennent Jean-Jean pour le maitre des lieux. Une commence à lui taper la causette et quand il lui répond « je ne parle pas français », elle se met à raconter sa vie en anglais. Spectacle amusant. Quand il arrive enfin à s’en sortir, il y en a une autre qui vient lui demander comment marche la borne automatique. Heureusement, j’arrive à la rescousse. Il faut quand même savoir que Jean-Jean a le pire niveau du français du groupe et a appris 3 phrases par cœur en espérant s’en sortir : « comment allez-vous ? », « combien ça coute ? » et bien évidemment « je ne parle pas français » (et le romantique « bonjour mademoiselle » qu’on connait déjà). Est-ce que ça suffit pour survivre en France ? On verra.
Les après-midis, des activités culturelles et du temps libre sont organisés. Aujourd’hui, activité annulée car il fait 40 degrés et il faut laisser le temps à nos petits de se remettre de leurs émotions. On les emmène là où il y a de l’air conditionné : les magasins. Je pense franchement que c’est devenu leur activité préférée parce que c’est les soldes et les fringues coûtent tellement chers en Equateur que pour eux c’est la caverne d’Ali Baba les tee-shirts à 3€ d’H&M. Moi aussi j’aime bien, j’ai juste à les attendre dans un coin et surveiller les sacs. Vive ma vie de maman. Ensuite, on les ramène à l’arrêt de tram pour qu’ils rentrent dans leur famille d’accueil. Une heure après, appel de Jean-Paulo : boulette n°1, il a oublié son sac dans le tram !!! Question urgente : « il y avait ton passeport dans le sac ?! Non. Ouf. T’inquiètes pas, on va le retrouver ton sac. » Le petit n’en croit pas un mot, il ne sait pas qu’il existe un merveilleux service en France : les objets trouvés !!
En attendant, moi aussi je rentre dans ma famille d’accueil. Je me suis retrouvée dans une famille de cathos riches avec des prénoms qui ressemblent à des noms de tisanes. La vérité, je ne sais pas pourquoi on m’a mis moi aussi dans une famille d’accueil, je sais déjà parler français et je connais le nom des fromages par cœur. Pour l’échange culturel ? Qu’est-ce que j’en ai à faire de savoir que Camomille a fait son premier saut de poney ?! Le pire, c’est qu’ils accueillent également 3 anglais, dont deux diplomates. Un est super motivé pour pratiquer la langue mais il lui manque plein de mots. Je me retrouve donc à table à expliquer pendant 15 minutes ce qu’est un poireau parce que j’ai oublié la traduction !! « Poireau !!! Un poireau !!! tu ne vois pas ce que c’est ???!!! Non pas une poire, un poireau !!! » Oh my god.
Jour 2. Pour éviter le MacDo, on a la bonne idée de les emmener au Carrefour pour qu’ils achètent des salades et qu’on pique-nique dans l’herbe. Quel drame n’avons-nous pas créé !!!?? Le lendemain, la mère de cette pimbêche de Marie-France nous enverra un message bien cool : « chers accompagnateurs, vous êtes bien sympas avec votre idée de pique-nique mais le cul de ma fille est trop précieux pour qu’elle s’asseoit dans l’herbe. Veillez à l’avenir à ce qu’elle mange dans un restaurant propre, chaud avec de la nourriture 5 étoiles et un petit coussin jaune sur chaque chaise ». D’accooooooooooooord. Dorénavant, chacun mangera où il veut et on les retrouvera au parc. Mais DEBOUT ! L’herbe, c’est dangereux !
Ensuite, on va visiter la cathédrale de Bordeaux. Cela aurait pu être intéressant si je n’avais pas fait la découverte étonnante de la lenteur extrême du groupe. Mon collègue m’avait prévenu mais voulant leur laisser le bénéfice du doute, j’ai répondu que c’était parce qu’ils étaient fatigués. PAS DU TOUT ! Imaginez des gens lents…bin ils sont pires que ça. Même ma grand-mère de 92 ans marche plus rapidement quand on se promène. Véridique ! Bref, je comprends donc que les activités culturelles seront pour moi, pas culturelles, mais mathématiques : compter chaque minute s’ils sont bien 23, qui manque à l’appel et réagir rapidement sur leur position. Jean-jean me demande de quelle année est la cathédrale. Est-ce que tu penses franchement que j’ai le temps d’écouter les informations du guide pendant que je vous cherche ? non, hein ! J’invente une date au pif. De toute façon, à quoi ça va lui servir à part l’écrire dans son journal intime ?!
Jour 2, boulette n°2 : Marie-Claire s’est trompée d’arrêt et s’est un peu perdue. Elle demande que désormais, on la ramène chaque jour chez elle pour ne plus qu’elle perde de temps à se perdre. Oui bien sûr, chaque jour on va ramener 23 étudiants par la main chez eux pour être sûr qu’ils soient bien rentrés chez leur maman d’accueil. On va aussi les aider à mettre leur pyjama et leur chanter une petite berceuse. En espagnol bien sûr. Faudrait pas qu’ils soient choqués par la culture française. Je rappelle quand même que Marie-Claire a 40 ans au fait. Regarde un tuto sur Google Maps, je sais pas !
Jour 3. Après un repas dans un fast-food avec des chaises parce qu’on n’aime PAS s’asseoir par terre, on va faire un tour guidé de Bordeaux. Enfin, de Bordeaux, c’est bien grand dire. Disons qu’on visite 3 pâtés de maison et que le guide nous parle de toutes les sortes de pierres et d’architecture qu’il existe ici. C’est une bonne visite… pour un groupe de retraités français. Pour des ados équatoriens qui parlent à peine français, autant vous dire que la différence entre un « cours » et une « avenue », ils s’en battent carrément le flan. Avant la visite, on remarque en comptant le groupe qu’on n’est pas 23, mais…24 ! L’intrus est une Espagnole de 16 ans, tombée follement amoureuse de Jean-Louis en cours de français, qui désormais le suit partout. Elle, elle a cru que nos activités étaient gratuites et que tu pouvais t’incruster comme ça, sans rien dire à personne ?! On cherche une manière de s’en débarrasser… Mon collègue va lui dire qu’elle peut rester avec nous mais faut qu’elle paie 45€. Autant qu’on se fasse du fric sur sa pomme, ça nous paiera nos glaces ! Elle refuse et se casse. Crotte ! On aurait dû demander 35 €. Suite à la visite, Jean-Louis qui avait tout écouté de notre arnaque me dit que franchement, la visite ne valait pas 45€. Hahaha oui oui, tu as raison…quel fléau ces guides qui se prennent pour des historiens !!
Ensuite, pendant le temps libre, nous emmenons Jean-Paulo aux objets trouvés où il retrouve tranquillement son petit sac perdu lundi. Ce n’est pas tant le fait de revoir son sac qui le rend tant extrêmement joyeux, mais surtout le fait que d’une part, la réceptionniste est ultra mignonne, et d’autre part, le fait qu’on n’ait pas volé son sac alors que ça se serait passé directement à Quito, cela lui montre à quel point la France est sécurisé et bienveillante. Alors là ? Que n’avons-nous pas fait ? C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres.
Imaginez que vous vivez dans un pays où tu te fais voler ton téléphone par des vieillards dans le bus, par des cyclistes champions de la tchatche, par des voyous à moto…, que si tu laisses tes affaires quelque part, quelqu’un se dit « oh ! un cadeau du ciel ! » et tu ne les revois jamais, que tu ne peux pas marcher dans la rue dès qu’il fait nuit ou même dans les petites ruelles dès qu’il fait jour…et que là, soudainement, tu arrives dans un pays où quand tu perds ton sac, tu le revois deux jours après chez une jolie demoiselle dans un bureau bien organisé. Tu as 17 ans, tu te sens pousser des ailes non ?!
Bin c’est exactement ce qu’il s’est passé pour Jean-Paulo et sa bande. Le soir même, mon collègue m’appelle à 23h parce qu’il a reçu des appels des familles d’accueil : 4 mineurs ne sont pas rentrés chez eux, et n’ont avertis ni nous, ni leur famille d’accueil. Okaaaaaaaayyyyy. On va s’amuser dis donc ! ça fait que 4 jours qu’on est là et ils fuguent déjà. Vraiment des petits cons. On les appelle, on les harcèle, pas de réponse. J’ai eu vent par mon 3ème coloc anglais qu’il y a une soirée ce soir au Darwin et certains étudiants des cours de français vont se réunir là-bas. Il s’avèrera que Jean-Paulo et Jean-Pedro y sont, mais qu’en est-il de Jean-Jean et de son coloc Jean-Edouardo ? On ne savait pas qu’ils ont des amis, ils ne parlent à personne. Bref, minuit, toujours pas rentrés et on ne peut rien faire. Je me chauffe presque à aller au Darwin mais apparemment ils sont en chemin donc je ne les trouverai pas. Et je ne peux même pas dormir. C’est donc ça être parents ? Demain, je me fais ligaturer les trompes. Non, après-demain, demain c’est cool on mange du fromage.
C’est finalement vers 1h qu’on apprend qu’ils sont bien rentrés chez eux. Pour se justifier auprès de leur famille d’accueil, ils ont dit que c’était leur accompagnateur (mon collègue) qui les avait invités à une fête pour pratiquer le français ! Mais quel toupet !! Fugueurs et mythomanes, on aura tout vu.
Jour 4. Je n’ai absolument aucune énergie pour les engueuler. Je ne suis pas venue dans mon pays pour souffrir ok ?! Je décide d’appliquer une nouvelle technique de manipulation que je viens d’inventer : la manipulation dissuasive. Cela consiste à affoler le coupable de manière à ce qu’il réalise à quel point il est stupide. Nous marchons donc vers le restaurant rapide avec chaises du jour, et je me mets à parler avec Jean-Jean. « Alors tu étais où hier soir ? – Je faisais du shopping. – Mais tu sais que les magasins en France ils ferment à 20h ? – Je ne savais pas, mais j’ai remarqué en cherchant. – Ah oui parce que tu es rentré super tard non ? – Oui. – Il faisait nuit ? – Oui. – Et tu n’avais pas peur ? – Un peu. – Donc tu connais bien le chemin pour rentrer chez toi si tard ? – Non, pas encore, mais j’avais mon téléphone. – Ah, j’espère que tu avais assez de batterie. – Non, seulement 5 %. – Oh wahou ! Et tu aurais fait quoi si tu n’avais plus eu de batterie vu que tu es dans un pays que tu connais pas et que tu parles pas français ? – Je sais pas… – Et tu aurais fait quoi si un gars t’avait accosté dans la rue et t’avait kidnappé et étranglé ?? – C’était une énorme bêtise Sarah ! Plus jamais je ne ressortirai la nuit ici !! » Voilààààààààààà. Et en effet, il n’est plus jamais ressorti les soirs, même quand c’était organisé avec nous. Mouhahaha !!
Je sens tout à coup que j’ai de l’autorité et qu’on me prend au sérieux. LOL. Le soir, après la dégustation de fromages et après avoir puni tous les mineurs pour qu’ils rentrent chez eux à 16h30, on s’octroie avec mon collègue une bière en terrasse avec les majeurs, pour apprendre à les connaître un peu. Terrible idée. Ils ont commencé à vouloir jouer au jeu « yo, nunca », en français « je n’ai jamais… ». Le but, enfin ce que je savais, c’est de dire un truc que tu n’as jamais fait et si les autres l’ont fait, ils boivent. Enfin, pour les Équatoriens, ils disent toujours un truc qu’ils ont fait comme ça ils sont sûrs de boire à chaque fois. C’est ainsi, qu’à 17h30, je connais toute la vie sexuelle de mes étudiants équatoriens, et beaucoup de termes sexuels en espagnol que je ne cherchais pas forcément à connaître, mais heureusement, ils sont sympas avec moi et me posent des questions tranquilles. Cela ne m’empêche pas de penser que non, en fait, personne me prend au sérieux ici. Gé-nial. 18h, tout le monde est bourré parce que tout le monde a fait plein de trucs, moi non – et même si oui – je ne vais pas leur montrer quand même, ce qui fait que les langues se délient. « Plein d’étudiants du voyage » sont amoureux de moi. Quelle blague. Rappelons que 80% sont des filles, que tous les mecs sont des mineurs, sauf un, qui vient d’avouer pendant le jeu qu’il était gay et qu’il est infidèle. Et c’est lui qui serait amoureux de moi ?! C’est une blague, ce voyage !! J’apprendrais aussi pendant ce jeu que Marie-Jeanne, qui donnait l’autre jour la main à Jean-Louis, est en couple depuis longtemps. Quelqu’un lui demande « et il sait ton copain que tu t’amuses de temps en temps ? – bon, il sait que je suis très sociable ». Ah, c’est comme ça qu’on dit libertine en 2022 ?! Purée, je suis trop ringarde.
Jour 5. Vendredi, enfin ! Nouveau scandale du jour : la maman de Jean-Luc n’est pas contente, et pour cause, on a un groupe Whatsapp avec les parents où on envoie de temps en temps des photos de leurs morveux mais oh ! drama ! on a mis 0 photo de son cher fiston depuis le début. Comment lui dire que son cher fils est tellement inintéressé par les activités qu’il en sèche la moitié ?! Demain, on enverra que des photos de lui.
Aujourd’hui, on va visiter le bassin des Lumières, un chouette endroit à Bordeaux. Il s’agit d’un ancien hangar à sous-marins, transformé en spectacle de sons et lumières. C’est cool, on peut laisser les étudiants divaguer pendant 2 heures et on les retrouve à leur sortie. Certains pleurent d’émotions, ou d’avoir trop bu la veille, on ne le saura jamais. Jean-Louis vient m’importuner « Sarah comment on dit ‘obre de arte’ en français ? – œuvre d’art. – je vais aller voir une fille et lui dire « madame, vous êtes une œuvre d’art ! – d’accord, et tu vas prendre son numéro après ? – non, je vais partir. » Ok, le mec se prend pour Cyrano de Bergerac. Plus loin, je vois Jean-Paulo écrire dans son cahier. Ce mec est tellement perché, le genre de gars avec qui tu as juste envie d’être amie pour te faire sentir normale, que je suis sûre qu’il écrit ses émotions avec juste des mots. J’imagine ce qu’il écrit…
« La beauté ! Lumière. Son. Hangar. L’obscurité de mes désirs. La vie ? Pourquoi. Pourquoi pas. » Hahaha.
Le week-end arrive et ils sont censés passer tout le week-end dans leur famille d’accueil. Les privés de sortie ont plus d’un tour dans leur sac… leurs parents de Quito nous écrivent pour nous dire qu’ils donnent l’autorisation à leur progéniture de gambader la nuit sans nous. Super, on doit donc écrire à chaque famille d’accueil que tout le monde se fout du règlement et qu’ils peuvent sortir entre potes au lieu de faire les activités prévues en famille. Une des familles d’accueil le prend très mal et nous dit qu’elle ne veut plus de l’Equatorienne chez elle. Euuuuh…si si, attendez, elle va venir avec vous ! Juste ce soir, ok ? Mon collègue décide d’aller faire une visite surprise à leur petite sauterie pour rassurer les familles. Géniale la vie d’accompagnateurs. Moi, faut plus compter sur moi…ma famille me rend visite et je compte tous les oublier.
Quel doux rêve j’avais… dimanche, au réveil, je vois 6 appels manqués et 14 messages des parents de Jean-Jean. Apparemment, il s’est senti malade la nuit donc il a réveillé sa mère d’accueil pour prendre un Doliprane mais elle ne répondait pas parce qu’elle dormait, donc ses parents de Quito l’ont appelé et lui ont dit d’aller immédiatement aux urgences. Bon. J’ai zappé tous ces dramas parce que moi aussi j’ai tendance à dormir la nuit, mais quand je commence à répondre, la mère de Jean-Jean m’appelle : « dites à sa mère d’accueil de ne pas aller à l’hôpital – mais je croyais que vous vouliez qu’il y aille – non en fait, Jean-Jean va mieux – bin il a quoi comme symptômes – rien, rien, ça va. » Dénouement de la situation : Jean-Jean a le COVID. Les parents ont appris un peu tard que si un étudiant a le COVID, il reste confiné 7 jours dans sa famille d’accueil et se fait entuber une semaine de cours et d’activités. Bizarrement, ses parents ont donc préféré qu’il n’aille pas se faire faire un test antigénique…Malheureusement, ils ont tellement embêté la mère d’accueil à 5h du matin qu’elle voulait absolument l’emmener à l’hôpital et qu’il fallait évidemment se rendre à l’évidence : Jean-Jean est positif au Covid. Une semaine confinée, bingo ! Et qui est-ce qui doit se rendre chez lui tous les jours à midi pour lui amener son déjeuner parce que ce n’est pas compris dans la formule d’accueil ???!! C’est bibi. En plus de ça, Jean-Louis, deux autres mineurs, l’Espagnole et Marie-Jeanne m’ont saoulé à 9h10 du matin parce qu’ils voulaient faire une virée à Arcachon. Comme j’étais débordée avec l’autre, j’ai dit ok, et puis c’était la panique toute la journée. Oh mon Dieu. Mes enfants. Tous seuls. Dans le train. A Arcachon. Cette fois-ci, plus de manipulation dissuasive mais carrément des menaces : « si vous n’êtes pas rentrés à l’heure ou que vous avez bu trop d’alcool, demain je vous fais marcher 10km ». Voilà. Je suis à court d’inspi moi !!
Donc mon dimanche libre s’est résumé à m’inquiéter au lieu de profiter de ma famille. Purée, encore 3 semaines !!
Deuxième semaine, presque rien à dire.
HAHAHAHHAHA. Je déconne.
Jour 8. « Jean-jean, tu veux manger quoi ? – MacDo. – D’accord ». Après les cours, on va visiter le musée des Beaux-Arts. On a une guide pour nous. Les étudiants s’intéressent 10 minutes, et puis finissent par faire leur vie. La guide capte tellement l’inintérêt des gens qu’elle se casse avant la fin du tour. Quelle honte ! On est tellement énervés qu’on les renvoie tous chez eux à 16h30. Maintenant, on a les numéros de toutes les familles d’accueil et elles nous envoient des messages pour nous dire quand ils sont bien arrivés chez eux, parce qu’évidemment, eux on ne les croit plus. Police du jour, bonjour !
Jour 9. « Jean-jean, tu veux manger quoi ? – MacDo. – Pratique, je sais où c’est ». Aujourd’hui, c’est initiation au paddle. Avant cela, on se tape une discussion reloue avec la directrice des cours de Bordeaux. Apparemment, on est incompétents et si on ne contrôle pas plus nos gamins, elle avertira directement notre supérieure hiérarchique. Chouette. L’initiation au paddle est donc une bonne occasion de les noyer pour s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Malheureusement, tous ne veulent pas pagayer et je me retrouve avec les paresseux au bord du lac. Je jouerais au ping-pong avec Jean-Michel en pariant une bière. Crotte ! Je perds 20 à 22 et le gars fanfaronne. Ne fais pas trop le malin toi. Ça se voit tu pleures si tu perds.
Le soir, je ne sais pas comment, mon collègue et moi nous retrouvons à sortir avec Jean-Luc et Marie-Jeanne. Jean-Luc semble très intéressé par elle, elle un peu moins. Rappelons qu’elle a un mec en Equateur, qu’elle tenait la main de Jean-Louis et qu’elle est très sociable. D’ailleurs, on se retrouve dans un bar latino (à quoi bon s’intéresser à la culture française quand on a le reggaeton ?) et un petit franchouillard la drague. 20 minutes plus tard, elle lui roule un gros patin. Jean-Luc est bouleversé, arrête de porter son sac et se casse. Vraiment très sociable cette Marie-Jeanne !
Jour 10. « Jean-jean, tu veux manger quoi ? – MacDo. – Intéressant comme choix ». Ce même jour, le respect décède, le pauvre. Jean-Louis, mon Cyrano, mon petit chouchou en vrai, m’écrit cette phrase mot pour mot : « es que tu as des plans pour aujourd’hui nuit ? ». Ok. Alors, soit il s’intéresse à ma vie, soit il veut savoir ce qu’il y a à faire ce soir, soit il m’invite quelque part ce soir, à sortir avec lui, alors qu’il est mineur et qu’il doit me demander l’autorisation pour sortir quelque part… espérons que ce ne soit pas cette dernière option. Evidemment, ça l’est. Qui suis-je pour eux ? Une Française qui s’est incrustée au voyage ? Une copine de l’autre accompagnateur ? Une débile ? Aucune idée. Donc, un mineur a prévu de sortir sans demander la permission, et au lieu de le faire auprès de moi, il m’invite à sortir, comme ça, NORMAL. Y’a que moi que ça choque ou bien ? Surtout que la veille, il m’a demandé de sortir avec sa pote et je lui ai dit oui. Je ne comprends pas. Bref, je réussis à contourner l’entourloupe en disant que ce soir, mon collègue et moi avons prévu une sortie avec tous les mineurs au Darwin et qu’on rentrera ensemble à minuit. On prévient les familles d’accueil et la directrice, et youpi, nous voilà de sortie pour contrôler nos morveux de nuit.
Darwin est une ancienne gare rénovée en espace bobo-urbain. A nous les bières artisanales, le pisse-debout et la musique électro…tout ce que je déteste. Les mineurs passent leur temps à nous éviter. Je dis à mon collègue « viens on les colle et on danse avec eux comme des idiots pour les embarrasser ». Haha ça marche mais ça m’ennuie au bout de 10 minutes. A 23h, on décide de se casser. Ils n’ont qu’à rentrer tous seuls, après tout ils l’ont bien fait la semaine dernière. Sauf que cet endroit est à l’opposé de Bordeaux et il leur faudra à certains bien une heure pour rentrer chez eux. La mère d’accueil qui ne voulait plus de l’Equatorienne nous enverra des messages désobligeants à 12h10, nous disant qu’on est bien naïfs de croire qu’ils rentreront à l’heure. Oui, on sait, on est naïfs et incompétents.
On finit la soirée avec les majeurs. On espère qu’ils se sont bien calmés avec les jeux. Pas du tout. Aujourd’hui, ils veulent jouer à Action ou Vérité. Je ne savais pas qu’on pouvait encore y jouer à 40 ans. Soit. Voyons quelles inepties ils veulent nous faire faire. Ils sont presque tranquilles jusqu’au dernier tour…c’est mon tour, je dis ‘action’, et le gars soi-disant amoureux me donne l’action de l’embrasser ! HAHAHAHHA !!!! Mais ouiiiiiii, bien sûr je vais rouler des patins à des étudiants que j’accompagne en voyage linguistique, j’ai que ça à faire ! Sauvez-moi de là.
Jour 11. « Jean-jean, tu veux manger quoi ? – MacDo. – Sans dec ?! T’es un petit fou-fou toi ! ». Et si encore, il changeait de burger, mais même pas, il prend toujours le moins cher. En plus aujourd’hui, ils lui offrent un verre Coca-Cola, je lui ai dit que c’était un cadeau de fidélité et ça lui a refait sa journée. Cet après-midi, c’est très cool : croisière sur la Garonne avec dégustation de vins. Les mineurs se servent sans autorisation, ok, dites-moi si je dérange. Je leur enlève leur deuxième verre, ils sont bien trop pénibles comme ça et ça m’en fera plus. Au fait, il y a une étudiante qui n’est pas venue à temps parce qu’elle est trop lente donc elle a loupé la croisière. Et tellement ils sont lents, on s’est fait virer du bateau. Vraiment, ils m’impressionnent de jour en jour.
En plus de ça, Marie-Joëlle qui est arrivée trop tard chez elle hier, s’est fait virer de sa famille d’accueil et du coup elle ne veut plus jamais accueillir des étrangers chez elle. Il y a aussi Jean-Michel qui a le Covid et qui est confiné chez lui mais il doit changer de famille d’accueil parce que celle-ci ne veut pas d’un contagieux chez lui. Bref, toutes ces merveilles qui font du voyage une vie d’émerveillement et de bonheur total.
Jour 12. Je vous répète ou vous avez compris l’idée ? Les parents de Jean-Jean m’appellent. Est-ce qu’il peut venir demain à la plage avec nous ? ça fait moins de 7 jours de confinement mais à ce stade, il n’est sûrement plus contagieux. Il n’est plus contagieux, mais il est toujours relou, donc qu’il reste chez lui encore jusqu’à dimanche. Nah !
Aujourd’hui est un grand jour, c’est l’anniversaire de Marie-France. Sa mère nous a donné 50 balles pour qu’on lui achète un gâteau. Quelle plaie ! Cette enfant est la fille la plus snob et désagréable du groupe, elle ne sourit tellement jamais qu’on a même inventé un jeu avec mon collègue : celui qui l’a fait rire gagne une bière. Personne n’a gagné ! Je ne connais même pas son rictus. Problème : mon collègue a le Covid (mais doit le cacher) et je dois donc gérer l’achat du gâteau, cadeau, boissons, seule. Je n’y arrive pas. Il vient finalement à ma rescousse et on arrive enfin en retard au lieu de rendez-vous qu’on leur a donné, à elle et aux autres mineurs. On leur a fait croire que le Champomy c’était de l’alcool, ils nous ont cru ces débiles. Donc on avait organisé une surprise trop mignonne avec faux alcool, guirlandes, gâteaux et petits cadeaux dans le parc, et la Marie-France ne nous a même pas remercié. 3 heures à courir dans tout Bordeaux pour cette petite conne et rien en retour, génial.
Jour 13. Soyons un peu positifs aujourd’hui. Comme c’est le week-end, on n’a pas besoin d’amener son MacDo à Jean-Jean. On n’est pas libres non plus car une activité est prévue : on va à Arcachon ! On devait visiter la Dune du Pyla mais à cause des feux, on ne peut pas. A la place, on va à la Maison de l’Huître. Charmant. Marie-Jeanne et Jean-Paulo ont l’air d’aller très mal, ils passent leur temps aux toilettes de la Maison de l’Huître, et ce n’était pas prévu dans la visite guidée… Mon collègue va les voir, ils ont la gueule de bois parce qu’ils sont sortis hier toute la nuit !!!! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans l’histoire de ce voyage, mais Marie-Jeanne et Jean-Paulo sont maintenus en couple – libres évidemment, ils sont très sociables – et en plus de ça, ils sont devenus les chouchous de mon collègue. Donc au lieu de leur passer une brasse, il leur offre une viennoiserie. Plus rien n’a de sens !! Mais moi, je suis positive aujourd’hui. M’en fous. Après, on va manger des huîtres. C’est très marrant parce qu’ils ne savent pas faire alors ils n’osent pas les manger, je dois leur faire une démonstration. Pendant ce temps, Jean-Luc mange ses crevettes sans enlever les pattes. Ça va ? ça ne frétille pas trop dans la bouche ?! Ils n’ont regardé aucun tuto on dirait ! C’est bien que Jean-Paulo ait la gueule de bois parce que je peux manger toutes ses huîtres. Ensuite, après-midi plage. On se donne rendez-vous 3h après au bus. Je peux bronzer tranquillement avec d’autres personnes et laisser les étudiants végéter dans leur coin. Je me joins à eux 2 minutes et ça me déchante direct : « alors c’est bien la mer hein ? – bin non y’a pas de vagues. – c’est normal, c’est le bassin d’Arcachon pas l’océan. Et la plage ? – y’a même pas de bières à proximité. – bon allez salut ! » La négativité, on dit STOP.
On rentre en retard parce que Jean-Eduardo se perd et ne sait pas envoyer sa localisation. Je ne sais pas comment il ne se perd pas en fuguant à 23h à Bordeaux mais il se perd à Arcachon entre 3 rues. En même temps, y’a Marie-Jeanne qui réclame un docteur parce qu’elle s’est faite mal hier et qu’elle a l’ongle cassé. Pour preuve, sa mère m’envoie un gros plan de son ongle d’orteil. Supeeeeeeer. On l’emmène à la pharmacie et pendant ce temps, la mère de Jean-Michel appelle mon collègue. Elle pousse un scandale parce qu’on a abandonné son fils !! Il est resté dans sa famille, confiné à cause du Covid, et ne pouvait même pas demander du jus du citron parce qu’on n’était pas là. 20 ans, c’est trop grand pour demander tout seul ? Elle dit qu’elle ira dès le lundi voir notre supérieure hiérarchique pour nous gronder. Bah vas-yyyyy ! Bien sûr, on va se faire virer à cause d’un citron voyons.
Jour 14. Jour off, les petits sont dans leur famille. Seulement Jean-Edouardo me dérange parce qu’il veut sortir le soir. Je l’autorise, vu qu’il n’a pas pu sortir au Darwin et que la veille, je ne l’ai pas autorisé parce que j’avais la flemme. J’apprendrai le lendemain qu’il avait demandé l’autorisation de sortie à mon collègue et qu’il lui avait dit « non ». Oups. Je suis la maman gentiiiiiille !!
Les deux dernières semaines de voyage au prochain épisode !!! Vont-ils se calmer ??
MDR
Désolé mais la photo du pique nique est géniale.
La prof mange seule sa salade,exclue du cercle.
Je me suis auto-punie pour ne pas avoir à supporter cette sombre espèce.